Open innovation durable : comment développer les relations Startup / Grands groupes ? Interview de Polytechnique Paris

  • Par Bruno Martinaud
    • 20 Sep 2023
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OPEN INNOVATION DURABLE : comment développer les relations Startup / Grands groupes ?

[INTERVIEW]

> Bruno MARTINAUD : Responsable académique entrepreneuriat de Polytechnique Paris

Quelle est votre fonction et l’activité de votre école ?

J’ai un parcours d’ingénieur et ai ensuite fait une école de commerce. Après cela, j’ai créé ma première startup sur un concept proche de l’IA avec une thématique liée à de l’aide à la prise de décision.

Ensuite, j’ai revendu cette startup (qui existe toujours) et pivoté vers l’enseignement à 100%. J’ai donc créé un cours de création de Startup. Ce cours est ensuite devenu un Master dont j’ai pris la direction car la réflexion pédagogique sur des sujets liés à l’entrepreneuriat innovant m’intéressait particulièrement. J’ai ensuite fusionné le M2 du Master avec un programme d’HEC pour n’en faire qu’une sorte de plateforme beaucoup plus pluridisciplinaire sur l’entrepreneuriat, en particulier sur l’entrepreneuriat technologique innovant. Enfin, j’ai arrêté le M1 du Master pour en faire une mineur, accessible à toutes les spécialisations scientifiques.

Enfin, désormais, je ne dispense plus aucun cours magistral à X, car tous mes cours sont désormais disponibles en ligne. Actuellement, je suis en train de les mettre à jour.

J’ai aussi eu le plaisir d’écrire plusieurs livres, à la fois sur les Startups et plus récemment sur le cycle de croissance de la Startup, via un livre qui s’appelle « Objectif Mars », sorti l’an dernier chez Pearson.

Dans le cadre de notre étude menée avec l’Usine Nouvelle sur les enjeux des industriels dans les années à venir : la majorité des entreprises mettent l’innovation en priorité de leurs investissements, pour conserver un avantage compétitif. La limitation de leur impact environnemental arrive en second. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Cela ne m’étonne pas… Le concept même de l’innovation est un concept extrêmement flou, dont les frontières sont très subjectives et peuvent varier.

En effet, cette notion d’entreprise innovante varie d’une entreprise à l’autre. Il y a une différence entre l’innovation liée au diamètre d’un boulon qui va permettre d’améliorer de 5% le rendement ou l’efficacité énergétique et l’innovation qui va conduire à repenser l’ensemble d’un moteur pour qu’il émette moins de carbone…

La vraie question pourrait être : « a-t-on le courage entrepreneurial de prendre le risque de tendre vers l’innovation à impact ? Sommes-nous capables de prendre le risque de se réinventer au lieu de garantir sa subsistance iso périmètre de son environnement ?« 

Concernant le sujet environnemental, à mon avis, si vous reposez la question maintenant (cf : après deux étés caniculaires) : les chiffres seraient relativement différents. En effet, tout le monde a commencé à toucher du doigt la réalité du réchauffement climatique (et de la guerre en Ukraine) et de ses impacts sur le business.

Nous nous rendons compte désormais qu’avoir des comportements énergétiques et innovants plus responsables peut avoir du sens d’un point de vue business.

Mon intuition : jusqu’à un passé récent, la question environnementale n’était qu’une question d’affichage et de communication, notamment pour la plupart des grands groupes.

Désormais, c’est devenu une question de mise en conformité réglementaire et de réponse à Appels d’Offres… Les règles du jeu business changent complétement. L’environnement, au sens premier du terme, va évoluer radicalement et c’est à la fois une contrainte, mais aussi et surtout une opportunité pour innover !

Quelle est votre vision de l’open innovation et de la relation Startup > ETI / Gds Groupes dans un contexte d’urgence climatique ?

Il y a une vraie prise de conscience des jeunes générations et de mes étudiants concernant le climat. Les créateurs de Startup s’emparent de ces sujets, ils veulent créer des modèles de société vertueuse désormais. Un étudiant est quelqu’un qui va être capable de penser différemment, car il n’a pas été (encore) formaté par 15 années dans la sidérurgie ou une autre filière par exemple. Et cela, les grands groupes en sont friands.

Cependant, le chemin reste long à parcourir, car les grands groupes ne viennent pas naturellement. J’ai par exemple, dans le cadre de mon programme entrepreneur, imaginé un challenge autour de 2 thématiques : la santé et le développement durable. Mon idée était de donner à mes étudiants une problématique et un axe technologique de solution pour y répondre de manière assez souple, pour qu’ils puissent se les approprier en groupe et en tirer une opportunité entrepreneuriat ensuite via leurs recommandations. Le modèle que j’ai souhaité était de trouver un sponsor Grand Groupe qui puisse soutenir cette initiative, en particulier d’un point de vue financier et d’apport d’expertise. Cependant, je n’ai malheureusement pas encore trouvé de sponsor, du fait d’une sorte de « frilosité » à innover différemment de la part des Grands Groupes.

Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs pour orienter leur stratégie vers l’innovation responsable ?

Ma vision de l’entrepreneuriat au sens large est la capacité à s’engager dans l’application du travail de recherche, dans le monde de l’entreprise. Pour information, dans l’entrepreneuriat, seulement 10% des Doctorants s’y engagent, moins de 1% des chercheurs de métier. C’est un sujet de fond : on sait que simplement la culture entrepreneuriale, la connexion entre un travail de recherche intellectuelle et scientifique et l’application business est complexe : spécialement en France (vs dans les pays anglo-saxons ou c’est beaucoup plus simple). Pourtant, peu d’entreprises savent que dans le cadre de leur Crédit Impôt Recherche, ils peuvent valoriser des travaux de R&D via l’embauche à moindres frais de PhD. Il faut que les Grands Groupes acceptent de laisser travailler des gens sur des projets, y compris ceux qui éventuellement peuvent cannibaliser le core business !

Pour conclure, il y a une prise de conscience qui va croissante, mais un travail à faire qui est double. D’un côté, il faut inspirer l’entrepreneuriat : c’est une affaire de rôle modèle, c’est-à-dire de se dire « j’ai envie, je vais me lancer dans l’entrepreneuriat, car une histoire m’inspire et je veux devenir un entrepreneur à succès. » Et d’un autre côté, il s’agit d’un travail pour trouver le bon équilibre pour exposer les étudiants à des problématiques concrètes (mais non stérilisantes) pour faire prendre conscience qu’ils peuvent en tirer des opportunités entrepreneuriales.

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Auteur

Bruno Martinaud
Bruno Martinaud

Responsable académique entrepreneuriat - Polytechnique Paris

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