Les financements publics des HealthTech

  • Par Prisca Dalle
    • 24 Mar 2022
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L’impact de la crise de Covid-19 sur la notoriété des biotechnologies

La Covid-19 a propulsé récemment les starts up santé sur le devant de la scène et a induit une volonté politique d’indépendance sanitaire qui va engendrer des opportunités de développement technologiques et business importantes. Pourtant, c’est depuis plusieurs années déjà que les challenges sur le plan de la santé sont grandissants : le vieillissement des populations, l’augmentation des maladies chroniques, les besoins en terme de nutrition… Ajoutons à cela, le tournant du numérique attendu sur le suivi et le traitement des patients (big data, IA, …). Que sont ces HealthTech ? Quelles sont leurs particularités et comment l’Etat aide à leur financement ?

Avant-propos

Les HealthTech désignent trois principaux types de technologie :

– Les biotechs qui concernent majoritairement la santé, et plus particulièrement l’oncologie qui est le 1er domaine investigué par les biotechs françaises ;
– Les medtechs concernent des nouvelles technologies pour les dispositifs médicaux et de diagnostic ;
– La e-santé désigne les nouveaux outils de transformation numérique, de connecter les dispositifs médicaux, la télémédecine, d’intégrer des IA de diagnostic … ;

On peut également noter l’émergence de biotechs dites vertes concernant le domaine de l’agriculture ou de l’environnement (gestion des déchets, …).

Sur le territoire Français, c’est plus de 1700 entreprises de HealthTech en France dont 720 biotechs, 800 medtechs et 200 entreprises de e-santé. Environ 60 start-ups sont créées chaque année.« l’écosystème est aussi plus mature, avec un plus grand nombre de produits et un portefeuille plus diversifié », constate Franck Mouthon[1], président de France Biotech.

Biotech, medtech, healthtech… des start-ups pas comme les autres

Les HealthTech et encore plus les biotechs et medtechs ne sont pas des start-ups classiques. Ce sont des sociétés fragiles, depuis leur création jusqu’à la commercialisation de leurs produits. Elles ont la particularité d’avoir :  

Un temps de développement long, on compte 10 à 15 ans pour une Biotech et 3 à 5 ans pour la Medtech avant la mise sur le marché de leur produit ;
– Un besoin de moyens financiers très important sans perspective de CA à court terme : le coût du développement, le coût des essais cliniques, les validations réglementaires (de plus en plus exigeantes), l’accès au remboursement (qui demeure complexe en Europe et plus particulièrement en France) ;
– Des développements qui requièrent des infrastructures sophistiquées et des expertises pointues sur l’ensemble de la chaine des acteurs ;
– Souvent une latence dans l’utilisation des nouvelles technologies dans le parcours de soin : un décret sur l’utilisation précoce des DM est en cours de rédaction par le gouvernement pour accélérer cet accès au marché.

Des investissements longs et difficiles d’accès

Pour illustrer, pour développer une nouvelle molécule en biotechnologie, il faut compter environ 10 ans et un peu plus d’un milliard d’euros d’investissement. Sur les Medtechs, 41% des entreprises ont renoncé à la mise sur le marché d’un DM en France[2].

Même si l’investissement peut être à terme très fructueux, ce constat induit un manque de notoriété auprès des financeurs, alors que 72% de ces entreprises déclarent être en recherche de fonds. Cependant, la tendance change, ainsi, en 2019, les HealthTech ont levé 1,8 milliard d’euros en France, dont 60% par le capital-risque, 29% en refinancement, et 11% via des entrées en Bourse (IPO). Soit une progression de 79% en capital-risque par rapport à 2018[3]. Le gouvernement participe en partie à rassurer les investisseurs en pérennisant les dispositifs fiscaux et les aides publics pour booster la recherche et le développement dans ce domaine.

Les dispositifs fiscaux pour financer la recherche scientifique et les healthtech

Le financement des Healthtechs est une problématique bien cernée par la France qui propose de nombreux dispositifs comme le CIR ou le statut JEI pour se développer et faire avancer la recherche médicale.

Sur le Crédit Impôt Recherche et le statut Jeune Entreprise Innovante : les chiffres remontés par France Biotech dans son panorama 2019 sont très évocateurs de la force de ces dispositifs fiscaux pour le soutien des HealthTechs: 88% des Healthtechs bénéficient du CIR et 53% des entreprises sont éligibles au statut de la JEI (44% des Healhtech ont moins de 5 ans). Le montant de CIR par an à destination des HealthTech est de 800 millions d’euros.

Récupérez 30% de vos dépenses R&D en crédit d’impôt grâce au Crédit Impôt Recherche (CIR)

Le CIR est un dispositif fiscal qui permet de récupérer 30% des dépenses de R&D en crédit d’impôt. Ce crédit vient en déduction de l’IS et les PME au sens communautaire peuvent demander le remboursement immédiat de la créance restante. Cela concerne la plupart des start ups du domaine de la santé avec un enjeu conséquent pour leur trésorerie.[PD1] 

Les activités éligibles concernent la recherche fondamentale, la recherche appliquée et le développement expérimentale. Les montant de CIR sont en grande partie porté par les dépenses de personnel hautement qualifié, l’achat d’équipement souvent coûteux, les sous-traitances agréées et publics (qui bénéficient jusqu’au 31/12/2021 d’un taux de crédit d’impôt de 60%) et les frais de propriétés intellectuelles.

L’éligibilité des activités de recherche pour les healthtech

En ce qui concerne les HealthTech, si l’éligibilité des activités de recherche est peu souvent soumise à débat sur le fond, l’édition du guide CIR 2018, repris en 2019 et en 2020 a semé le trouble dans la déclaration CIR de ces sociétés notamment sur l’éligibilité des dépenses de sous-traitance.

Bien[PD2] que le texte législatif admette par convention que les phases I à III des essais cliniques peuvent être considérées comme de la R&D, le MESRI indique que seuls les coûts des étapes essentielles aux investigations scientifiques constituent des opérations éligibles au CIR. Les coûts des étapes de mise en place et de management opérationnel sont donc à exclure.

Plus généralement sur la sous-traitance, il est reprécisé dans le Guide 2020 que les travaux sous-traités doivent correspondre à la réalisation de véritables opérations de R&D, nettement individualisées (une prestation sous-traitée qui n’est pas de la R&D n’est pas éligible au CIR même si elle est indispensable à la réalisation d’une opération de R&D du donneur d’ordre). Pour le démontrer, les pièces justificatives demandées sont nombreuses : fiche scientifique et technique de chaque opération, décrivant les travaux réalisés, la copie de chaque contrat de sous-traitance, la copie de chaque cahier des charges et la liste des livrables, les copies des factures des travaux sous-traités, les relevés de décisions des points d’étapes effectués sur les travaux en cours (jalons techniques).

Ce texte, même si dépourvu de valeur réglementaire, est utilisé par les services du MESRI et les services fiscaux pour redresser les dépenses associées et même redresser des déclarations antérieures sur cette base. Il est donc important de s’y conformer au mieux pour sécuriser ses déclarations de CIR.

Cela signifie de bien faire figurer le caractère R&D de la prestation sous-traitée : la commande doit faire explicitement apparaitre la notion de R&D et le risque technique porté par le prestataire, la notion de PI doit également idéalement figurer dans les contrats. Sur les études cliniques, il convient d’éviter les factures globales et non individualisées, distinguer clairement les frais de gestions des frais d’investigation clinique et d’éviter les intitulés flous soumis à interprétation « suivi, gestion, management, forfait… ». A noter que la sous-traitance de capacité [PD3] (où le sous-traitant est un simple exécutant d’une opération commandée) est questionnée par l’administration fiscale, il est donc préférable d’avoir des facturations sur une base forfaitaire plutôt que des forfaits jours.

Une mauvaise interprétation des textes du MESRI ?

Cependant, cette interprétation des textes par le MESRI est excessive, remettant en question les prestations d’analyse chimique ou biologiques, pouvant être de routine pour les prestataires qui les réalisent, mais qui sont néanmoins indispensables aux projets de recherche. 

Une récente jurisprudence[1] a abondé dans ce sens et a conclu que bien qu’une prestation sous-traitée ne soit pas une opération de R&D en soi, cette opération est éligible au CIR du donneur d’ordre dès lors qu’elle est indispensable à la poursuite de projets eux-mêmes éligibles au CIR.

Le tri du MESRI sur l’éligibilité de certaines factures de sous-traitance de « routine » ou au sein des essais cliniques est donc à mettre en perspective de cette décision récente du CE. L’enjeu est pour le contribuable de démontrer le caractère indispensable de la prestation pour sa recherche.

Nous pouvons également citer deux autres points qui vont venir impacter le CIR des HealthTech à court terme :

– Les sous-traitance en cascade sont désormais encadrées. Il s’agit bien souvent de la CRO qui est agréée et qui fait appel pour la réalisation des essais cliniques à plusieurs autres prestataires. Depuis le 1er janvier 2020, les opérations de sous-traitance doivent être « réalisées directement par les organismes auxquels elles ont été confiées ». Toutefois, par dérogation, ces organismes peuvent recourir à des organismes eux-mêmes agréés ou publics pour la réalisation de certains travaux nécessaires à ces opérations.

Ce changement encadre indirectement la notion de territorialités des dépenses, seuls les essais et les dépenses réalisées auprès de prestataires agréés ou publics au sein de l’EEE peuvent prétendre au CIR.

– Enfin, la fin du doublement des dépenses auprès d’entités publiques à partir du 1er janvier 2022 risque d’avoir un impact non négligeable sur ces sociétés qui ayant des besoins de recherche amont sollicitent très souvent les laboratoires publics et des établissements tels que des CHU, des hôpitaux, des centres de lutte contre le cancer, … pour leurs essais cliniques.

Healthtech : Obtenez des exonérations sociales grâce au statut Jeune Entreprise Innovante (JEI)

La jeune entreprise innovante ou universitaire (JEI – JEU) est un statut d’entreprise qui permet pendant les 8 premières années d’existence d’obtenir des exonérations sociales sur le personnel majoritairement affecté à des activités de R&D et des allègements fiscaux. Le statut a été prorogé dans la loi de finance 2020 jusqu’au 31 décembre 2022. Les dépenses des HealthTech pour leur développement étant en grande partie porté par la charge que représente le personnel qualifié, le statut est largement adopté pour la plupart d’entre elles.

Il est nécessaire de répondre à plusieurs critères pour pouvoir bénéficier de ce statut[2]. Notamment, il faut être PME au sens communautaire et indépendante. Un point d’attention donc pour les sociétés ouvrant leur capital à des grands groupes à plus de 25% ou bien à des structures d’investissements à plus de 50%, qui pourraient conduire à la perte du statut JEI et du statut PME au sens communautaire (statut permettant d’obtenir le remboursement de la créance CIR).

En conclusions, ces dispositifs fiscaux sont d’un soutien important même s’ils présentent des limites :

– Le flou sur les dépenses éligibles au CIR entraine des contrôles accrus sur ces sociétés avec une santé financière pouvant être fragile et pour lesquelles des redressements peuvent être lourds de conséquence ;
– Une baisse à prévoir du CIR avec les dernières évolutions des textes régissant le CIR : fin du doublement des dépenses et encadrement des sous-traitance en cascade ;
– Le statut JEI de 8 ans qui couvre à peine la durée de développement d’un produit pour une biotech (autour de 10 ans).

Les autres aides publics intéressantes pour les Healthtechs

Il existe d’autres aides publiques pouvant intéresser ces sociétés.

Sur le plan des aides haut de bilan, BPIfrance a affecté un budget de 158M€ d’aides à l’innovation en 2018 au travers différents guichets qui dépendent de la maturité technologie, du budget et des partenaires.[PD4] 

Il a été observé que les remboursements du CIR peuvent être tardifs. En moyenne, le remboursement intervient dans les 3 à 6 mois après le dépôt de la déclaration, voire plus tardivement, si l’étude par l’Administration fiscale conduit à la demande de pièces justificatives.

Le besoin en trésorerie de ces Healthtech étant important, des moyens existent pour préfinancer le CIR. NEFTYS propose d’anticiper cet avantage fiscal grâce au PREFICIR©, et de profiter ainsi d’un flux de trésorerie immédiat. Pour en bénéficier, plusieurs conditions sont nécessaires, dont un CIR et CII supérieurs à 100k€ et ne pas payer d’impôt sur les sociétés[3]. Les fonds peuvent être débloquer en plusieurs fois au fur et à mesure des dépenses (créance en germe) ou bien en une seule fois sur le CIR de l’année précédente (créance née).

Aussi, ces sociétés nées en grande partie de la recherche académique se caractérisent par un fort besoin en recrutement de pointe et très spécifique. Le statut jeune docteur favorise via le dispositif du CIR l’embauche de ces employés qualifiés. La thèse CIFRE permet un partage des coûts avec l’université co-encadrante et parfois un libre accès aux équipements des laboratoires. Ce dispositif est financé par l’ANRT, le réseau intersectoriel public-privé de la recherche française.

Objectif du gouvernement : maintenir l’emploi en R&D

Récemment, l’état a mis en place via le plan de relance une nouvelle aide avec un double objectif : maintenir l’emploi R&D dans les entreprises et mettre à disposition des entreprises de jeunes diplômés et docteurs : l’Etat peut prendre en charge une partie des dépenses de personnel R&D mise à disposition par ou pour une structure de recherche[4]. Cette aide peut fortement intéresser les HealthTech, souvent très proches du monde académique.

Favoriser l’émergence des HealthTech est primordiale pour la santé de demain, l’emploi et la compétitivité internationale. Les dispositifs fiscaux sont d’un soutien important et pérenne même s’ils présentent certaines limites. Plus largement, la politique doit jouer un rôle important pour booster ce marché en pleine expansion. A ce titre France Biotech a publié en septembre dernier les modalités d’un plan d’action de 32 mesures portant sur des axes clés de la chaine de valeur en santé (recherche, transfert de technologie, développement et accès marché) et de façon transverse à l’ensemble de la chaîne de valeur concernant l’accompagnement du capital humain, le financement, et la propriété intellectuelle [5].


[1] Conseil d’Etat, 9ème et 10ème chambres réunies – 22/07/2020 – FNAMS – 428127

[2] BIC – Champ d’application et territorialité – Exonérations – Entreprises exerçant une activité particulière – Jeunes entreprises innovantes (JEI) et jeunes entreprises universitaires (JEU) – Conditions d’éligibilité | bofip.impots.gouv.fr

[3] Source Snitem 2020

[4] https://www.economie.gouv.fr/plan-de-relance/profils/entreprises/preservation-emploi-recherche-developpement

[5] Plan Innovation Santé, Réintroduire de la politique industrielle dans l’innovation en santé, Septembre 2020

 [PD1]Généralités nécessaires ?

 [PD2]J’ai le droit ?

 [PD3]Est-ce qu’on laisse, même si disparu du guide CUR 2020 ?

 [PD4]Petit paragraphe Mathieu ? ou bien à retirer

[1] PANORAMA FRANCE HEALTHTECH 2019 – France Biotech

[2] source Snitem 2020

[3] https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/la-healthtech-la-mine-d-or-meconnue-de-la-french-tech-839460.html

Auteur

Prisca Dalle

Manager en Financement de l'Innovation

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