Evolution du BOFiP : CIR / CII

  • Par Leyton
    • 19 Juil 2021
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Evolution du BOFiP

Principales nouveautés

Le BOFiP est le document de référence, qui donne une définition législative ne pouvant être contestée. Découvrez l’évolution du BOFiP.

Depuis le début de l‘année, la publication d’une nouvelle version du BOFiP intégrant les changements forts pour les Crédit Impôt Recherche (CIR) et Crédit Impôt Innovation (CII) était très attendue :

  • D’une part, les Guides CIR 2018, 2019 et 2020 édités par le Ministère de lʼEnseignement supérieur, de la Recherche et de lʼInnovation (MESRI) faisaient état de nouveaux critères d’éligibilité pour définir les activités de R&D en se référant au manuel de Frascati, et apportaient des précisions sur les modalités de calcul concernant le poste de sous-traitance, témoignant d’un positionnement particulièrement restrictif du MESRI sur ce sujet ;
  • D’autre part, les Lois de finances 2019 et 2020 sont venues apporter par des aménagements successifs de nouvelles limitations sur les dépenses concernant les frais de fonctionnement et la sous-traitance auprès d’organismes de recherche publics ;

La parution de la nouvelle version du BOFiP le 13 juillet dernier acte les récents changements par une mise à jour des Bulletins Officiels des Impôts (BOI) qui régissent le CIR et le CII, d’autant plus appréciable compte tenu des nombreuses jurisprudences parues au cours du premier semestre.

Les principales nouveautés figurant dans les BOI portent sur les points suivants :

  • Apparition des 5 critères d’éligibilité du Manuel de Frascati et clarification de la nature des activités éligibles au CIR et au CII ;
  • Clarification sur la sous-traitance éligible, avec des précisions sur le type de prestations ouvrant droit au CIR (distinction entre obligation de moyens et obligation de résultats) ;
  • Cas des organismes publics et nécessité d’un agrément à compter de 2022 ;
  • Prise en compte des jurisprudences récentes (arrêt Fnams, Takima etc.) ;
  • Mise à jour des modifications de calcul (frais de fonctionnement etc).

La définition de la R&D&I (Recherche & Développement & Innovation) par le BOFiP

BOI-BIC-RICI-10-10-10-20

S’inscrivant dans la lignée du Guide CIR édité par le MESRI, la nouvelle version du BOFiP définit désormais explicitement les activités de R&D comme celles satisfaisant aux cinq critères définis par le Manuel de Frascati : nouveauté, créativité, incertitude, caractère systématique, transférabilité/reproductibilité.

La description des trois catégories de R&D est toujours présente, et complétée pour la recherche fondamentale et le développement expérimental :

  • Concernant la recherche fondamentale, le texte énonce désormais clairement que recherche fondamentale pure et recherche fondamentale orientée constituent toutes deux des activités éligibles dans le cadre du CIR. En effet, le Manuel de Frascati opérait une distinction entre ces deux notions (la première étant exécutée au service de la connaissance sans volonté d’application des résultats contrairement à la seconde), ce qui pouvait laisser penser qu’il existait également une distinction en termes d’éligibilité au CIR.
  • Concernant le développement expérimental :
    • La définition est complétée d’extraits du Manuel de Frascati la mettant en perspective tout d’abord vis-à-vis du développement de produits : « Le développement expérimental ne constitue donc qu’une étape éventuelle du développement de produits […] » Le texte précise ensuite le but du développement expérimental («[…] la mise au point de plans ou de modèles devant déboucher sur des produits ou procédés nouveaux ou nettement améliorés, que ce soit pour la vente ou l’utilisation propre de l’entreprise ») puis propose une liste de phases éligibles (« formulation de concepts, la conception et la mise à l’essai de produits de substitution, […] la construction de prototypes et le lancement d’une installation-pilote ») et de phases non éligibles (« les tests de routine, la résolution de problèmes ou les modifications périodiques de produits, de chaînes de production, de procédés existants ou d’opérations en cours »). Enfin, il est précisé que les activités de développement expérimental requièrent « le savoir et les compétences d’un chercheur ».
    • Des précisions sont apportées concernant la justification du critère de nouveauté et d’incertitude : la notion de recherche bibliographique est davantage expliquée, ainsi que le positionnement d’une incertitude technique au regard de ces recherches bibliographiques.
  • La section relative à la distinction entre activités de R&D, activités d’innovation et activités connexes fait désormais l’objet d’un BOI séparé (BOI-BIC-RICI-10-10-10-25) :
    • Cette section liste notamment les activités faisant partie du processus d’innovation mais ne relevant pas de la R&D : (« acquisition de technologie et de savoir-faire non incorporés, acquisition de technologie incorporée, l’outillage et l’ingénierie industrielle, les études de conception industrielle (non classées ailleurs), l’acquisition d’autres équipements, le démarrage de la production et la commercialisation de produits technologiquement nouveaux ou améliorés »)
    • La démarche d’identification des activités de R&D auparavant présentée comme s’appuyant sur le critère de dissipation des incertitudes techniques non résolues par l’état de l’art a été remplacée par le schéma du Guide CIR introduisant la notion d’opération de R&D.
    • Une clarification est également apportée concernant les travaux connexes éligibles : « Sont considérées comme indispensables à la réalisation d’une opération de R&D les activités scientifiques et techniques qui participent à la création de connaissances et qui sont réalisées par des personnels de recherche […] Ces activités indispensables sont éligibles au CIR. »

En synthèse, la nouvelle version du BOI est désormais plus fidèle au Manuel de Frascati concernant la définition des activités de R&D, se rapprochant de fait de la définition du Guide CIR édité par le MESRI depuis le millésime 2018. Ces clarifications visent notamment à donner plus d’éléments concrets pour apprécier la frontière entre ce qui relève du développement expérimental éligible au CIR ou non.

La sous-traitance

Le BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 apporte des précisions sur la nature des activités sous-traitées pouvant être valorisées.

Les jurisprudences de l’année 2020 ont été intégrées :

  • Arrêt FNAMS (CE, 9ème et 10ème chambres réunies, décision du 22 juillet 2020, n° 428127) : les dépenses afférentes aux travaux scientifiques et techniques externalisés qui ne constituent pas en tant que tels des opérations de R&D, mais qui sont indispensables à la réalisation d’une opération de R&D éligible au CIR menée en interne par le donneur d’ordre, peuvent être prises en compte dans la base de calcul du CIR de l’entreprise donneuse d’ordre.
  • Arrêt TAKIMA (CE, 8ème et 3ème chambres réunies, décision du 9 septembre 2020, n° 440523) : le Conseil d’État interprète cette disposition comme l’obligation pour les organismes de recherche d’exclure de la base de calcul de leur propre CIR les dépenses éligibles exposées pour la réalisation des opérations de recherche effectuées pour le compte de tiers, et non l’intégralité des sommes reçues

Le BOFiP va toutefois plus loin dans son interprétation des activités sous-traitées pouvant être retenues dans l’assiette de dépenses éligibles au CIR et reprend pour partie la position du MESRI dans les derniers Guides du CIR. La notion de R&D « nettement individualisée » reste présente mais est précisée par une section supplémentaire, détaillant les dépenses éligibles. Le BOFiP intègre également un schéma expliquant la nature des activités valorisables : une distinction est faite entre les prestations avec obligation de moyens (collaboration ou recherche contractuelle) par opposition aux prestations avec obligation de résultat (prestataire de service).

Cette distinction sur le type d’obligation (moyen, résultat) avait été proposée dans le Guide du CIR 2020. Toutefois, concernant le recours à un prestataire de service, le Guide CIR indiquait que seules les prestations avec obligation de moyens (i.e. régie) étaient considérées comme non éligibles, par opposition aux prestations avec obligation de résultat (i.e. forfait). Ce schéma reste donc sujet à interprétation et à questionnement.

Un paragraphe a également été ajouté concernant les contrats CIFRE : un contrat de collaboration encadrant une thèse CIFRE est éligible au CIR, si l’examen du contrat et de ses annexes permet d’identifier le programme de recherche qui est l’objet du contrat et la contribution de chacun ainsi que l’apport respectif des parties.

D’autres précisions sont apportées :

  • Possibilité de valoriser une sous-traitance de second rang si le prestataire est lui-même agréé. Cette précision est consécutive à la parution de l’article 132 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 qui visait à mettre fin aux montages dits de « sous-traitance en cascade ».
  • Les modalités de demandes d’agrément qui font suite à la parution du décret n° 2021-784 paru le 18 juin 2021 : pour être agréé, l’organisme ou l’expert doit justifier de sa capacité à mener par ses propres moyens des opérations de recherche scientifique et technique dont il a défini lui-même la démarche scientifique. Cette condition vise à assurer aux entreprises qui ont recours à l’externalisation de leurs travaux de recherche la pertinence et la qualité des résultats obtenus, grâce au respect de la démarche scientifique propre à la recherche.

Pour finir, le plafond de sous-traitance est revu à la baisse en raison de la fin du doublement des factures liées aux prestations confiées à des organismes de recherche publics : à compter du 1er janvier 2022, le plafond applicable sera de 10 M€ au lieu des 12M € actuellement (10 M€ pour la sous-traitance privée et 2 M€ pour la sous-traitance publique). L’entreprise devra désormais réaliser au minimum en interne un quart des dépenses de recherche prises en compte dans la base de calcul de son CIR (au lieu d’un tiers actuellement).

Sous-traitance auprès d’organismes publics

Le BOI-BIC-RICI-10-10-20-30 apporte une précision importante concernant un sujet qui restait non arbitré depuis la parution de la Loi de Finances 2020. À compter du 1er janvier 2022, l’ensemble des organismes de recherche (publics, assimilés publics ou privés) devront être titulaires d’un agrément délivré par le ministre chargé de la recherche s’ils souhaitent se voir confier des opérations de recherche dont les dépenses afférentes sont éligibles au CIR pour le donneur d’ordre (loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, art. 35).

Cette précision semble contraignante au regard du nombre d’organismes publics de recherche concernés à la fois en France (plus de 400) et au sein de l’Espace Economique Européen (plus de 1000). Pour rappel, les demandes d’agrément sont à déposer entre le 1er janvier et le 31 mars de l’année concernée. Il existe d’ores et déjà quelques allègements pour les fondations d’utilité publiques ou de coopération scientifique par exemple, qui n’ont pas à présenter de description détaillée d’une opération de R&D dans la demande d’agrément. Des précisions du MESRI sont donc attendues sur le second semestre 2021 concernant la constitution des futurs dossiers.

Mise en conformité du BOFiP suite aux Lois de Finances 2019 et 2020 et aux récentes jurisprudences

Le BOI-BIC-RICI-10-10-20-20 et le BOI-BIC-RICI-10-10-20-25 viennent acter les modifications issues des Lois de Finances 2019 et 2020 :

  • Frais de fonctionnement fixés à 43% des dépenses de personnel : l’article 130 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 avait abaissé le taux applicable aux dépenses de personnel pour le calcul du forfait des dépenses de fonctionnement retenu dans l’assiette du CIR et du CII
  • Taux majorés en Corse : l’article 35 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 a instauré deux taux majorés de CII pour les dépenses exposées dans des exploitations situées sur le territoire de la collectivité de Corse.
  • Possibilité de valoriser la CET en tant que cotisation sociale obligatoire, suite à l’arrêt PUBLICIS GROUPE (CE, 9ème et 10ème chambres, 19/05/2021 n° 432370)

Autres modifications apportées par le BOFiP

Les différents BOI apportent des précisions sur plusieurs points :

  • Possibilité de prise en compte des dépenses afférentes aux intérimaires dès lors qu’ils sont des personnels de recherche directement et exclusivement affectés aux opérations de R&D ;
  • Déduction des PTZI, étant considérés comme une subvention publique ;
  • Rétablissement des obligations déclaratives complémentaires pour des dépenses supérieures à 100 M€ de dépenses ;
  • Instauration d’une nouvelle obligation déclarative portant sur la part des jeunes docteurs lorsque les dépenses de recherche sont comprises entre 10 millions et 100 millions d’euros ;
  • Retrait d’une publication du BOI-RES-BIC-00034 suite aux arrêts de la cour administrative d’appel de Nancy du 3 décembre 2020 (CAA Nancy, décision du 03 décembre 2020, n° 19NC02371-1902372-1902373) qui précise la date d’appréciation des données pour acquérir le statut PME : la qualité de PME ne s’acquiert que si le respect des seuils est vérifié sur 2 exercices consécutifs (même raisonnement dans le cas d’entrée / sortie d’un groupe).

Impact de ces modifications sur le CIR et le CII

Sur le principe, ces précisions étaient attendues, compte tenu des divergences d’approche qui avaient été constatées depuis la parution du Guide du CIR 2018, notamment lors des contrôles fiscaux. Toutefois, ces modifications des BOFiP pourraient être utilisées pour des vérifications de comptabilité en cours, portant sur des CIR déclarés antérieurement.

Concernant la valorisation de la sous-traitance, il semble que la Direction Générale des Finances Publiques se soit appropriée les approches proposées par le MESRI par l’intermédiaire des Guides du CIR édités depuis deux ans : non éligibilité des prestations de type régie, ajout des notions d’obligation de moyens et de résultats. Malgré l’apparition d’un schéma explicatif visant à clarifier la prise en compte de ces dépenses, l’analyse s’avère plus complexe car ce schéma soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses.

Par ailleurs, certains doutes qui subsistaient sont désormais levés, comme la nécessité pour les organismes publics de recherche de déposer une demande d’agrément à compter du 1er janvier 2022. Toutefois, cette position peut sembler déraisonnable compte tenu du nombre d’organismes publics de recherche concernés en France (plus de 400) et dans l’Espace Economique Européen (plus de 1000). Il est probable qu’une partie de ces organismes ne dépose pas de dossier d’agrément en début d’année 2022, ce qui risque de compromettre à moyen terme une partie des collaborations publiques / privées, alors que les communications de ces derniers mois sur le sujet suggéraient une volonté du gouvernement d’accentuer ce type de collaboration. Il est également probable que le MESRI doive faire face à un nombre important de demandes d’agrément en début d’année 2022, conduisant à un allongement des délais pour l’obtention des agréments, et plus généralement pour les expertises des dossiers CIR. Des précisions sont attendues concernant les modalités de dépôt des demandes d’agrément, notamment sur la nécessité de présenter ou non une opération de R&D pour justifier de la capacité de l’organisme public à conduire des projets de recherche.

Conclusion

Les évolutions du BOFiP étaient attendues depuis plusieurs mois et permettent d’acter à la fois les modifications issues des Lois de Finance et des évolutions jurisprudentielles, portant sur les dépenses éligibles et sur la définition de la R&D. Le Guide du CIR édité chaque année par le MESRI et le BOFiP sont désormais davantage en cohérence, bien qu’il subsiste quelques incompréhensions sur la sous-traitance éligible. Des clarifications sont également attendues concernant les demandes d’agréments à compter de 2022 pour les organismes publics.

Auteur

Leyton

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