Français et GreenTech : l’Etat n’investit pas assez dans la réduction de l’impact environnemental

  • Par Matthieu LOCCI
    • 19 Fév 2021
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investissement de l’Etat dans la réduction de l’impact environnemental

Beaucoup de moyens et pas assez d’ambition ou simple manque d’accompagnement ?

Chaque mois, le baromètre « Les rendez-vous de l’innovation » d’Odoxa sonde l’opinion des Français autour des sujets d’innovation. En Février, zoom sur l’innovation et les nouvelles technologies au service de la transition écologique.

D’après  la majorité des Français, l’Etat n’investit pas encore assez sur le développement des nouvelles technologies et de l’innovation au service de la réduction de l’impact environnemental des entreprises.

Pourtant, dans le cadre du Plan de Relance, plus de 30 Milliards d’euros sont mobilisés pour soutenir cet enjeu. Inversement, dans le cadre du programme French Tech 120 (fleuron des Startup françaises les plus prometteuses soutenues par l’Etat), très peux sont estampillées « Greentech » et coté consommateurs, la fin du coup de pouce isolation semble confirmer ces contradictions….

Or, 80% des Français en sont convaincus , l’innovation et les outils numériques sont indispensables pour diminuer les déplacements professionnels, pour se rapprocher des producteurs locaux et pour produire et utiliser l’énergie avec plus d’efficacité et de manière plus respectueuse de l’environnement. Manque d’aides, des pédagogies, de moyens ou simplement manque d’accompagnement pour faire de la transition écologique le principal vecteur de sa croissance…C’est ce que vous allez découvrir dans cet article de synthèse.

Si les Français considèrent que le gouvernement n’investit pas assez sur la transition énergétique, c’est peut-être en grande partie dû au manque de communication claire.

Les dispositifs d’aide sont aujourd’hui trop nombreux, et les conditions d’accès et d’obtention bien trop compliqués, ce qui a pour conséquence de décourager les potentiels bénéficiaires. La prochaine mise en place d’un Guichet Unique de la Rénovation va dans le bon sens, puisqu’elle permettra une meilleure lisibilité des aides.

L’innovation, son financement, sa consommation et le dilemme d’une croissance écologique 

L’opinion publique a tendance à penser qu’un changement radical des usages est la clé n° 1 pour permettre de freiner le réchauffement climatique. La décroissance, la consommation raisonnée, l’autosuffisance… Nous en sommes tous déterminés, mais changerons avec difficultés nos modes de vies et de consommation. En effet, nous sommes tous pour le changement, tant qu’il ne change pas nos habitudes…

Nos usages évoluent naturellement à mesure que la technologie offre plus de confort, de mobilité, et de fonctionnalités. Personne ne se privera de ce que les technologies promettent. On ne parle pas (uniquement) de gadget ou de divertissement : les véhicules autonomes, la 5G, les smart cities… Tous ces usages vont faire exploser le besoin en énergie de la planète. D’où l’intérêt de surinvestir dans des technologies de production et stockage d’énergie qui permettront de sustenter les usages de demain.

Pour y parvenir,  l’Etat français à un impérieux besoin de subventionner fortement ces axes de premier plan (cf : les 30 Milliards du Plan de Relance).

Pourtant, du côté des financements publics, seul la moitié des Français estiment que l’Etat investit assez pour les soutenir (cf : fin du coup de pouce isolation)

Et côté entreprises et notamment du soutien financier des industries, c’est un peu mieux même si ici aussi, des coups de rabots sont constatés malgré les annonces en grandes pompes des budgets du plan de relance. De nombreux appels à projets sont en effet en cours ou à venir, mais pouvoir y répondre dans les temps nécessite anticipation, méthode et accompagnement pour avoir la chance de les remporter.

Quant à l’indispensable Crédit d’Impôt Recherche permet évidemment de soutenir toute la R&D autour de ce sujet, même si le Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, dans son dernier guide CIR 2020, remet en questions certains de ses avantages notamment au sujet de la sous-traitance …

De plus, de nombreux appels à projet ADEME avec des montants d’aides significatifs sont proposés.

Enfin, concernant les Certificats d’Economies d’Energies : loin des demandes de la Convention Citoyenne pour le Climat, qui demandait une multiplication par 3 des objectifs, le Gouvernement a opté pour les objectifs bien peu ambitieux du scénario bas de l’ADEME pour la 5ème période des CEE (+12,5% par rapport à la 4ème période).

En effet, s’il est vrai que les prix des CEE sont répercutés sur les factures d’énergie, il faut rappeler qu’ils servent à financer des travaux d’économies d’énergie, et donc à réduire la facture d’énergie, la balance est très nettement positive !  Notons au passage que le secteur industriel, qui peut compter sur de puissants lobbies, est toujours injustement épargné par les répercussions du coût du dispositif CEE, malgré les recommandations de l’ADEME sur le sujet.

Pour ce qui est des particuliers, contrairement à l’opération « coup de pouce », une nouvelle enveloppe de 2 Mds d’€ est consacrée à l’élargissement de MaPrimeRenov. Malgré des retards administratifs à l’allumage, en partie dûs à la crise sanitaire, 500 000 rénovations énergétiques sont espérées chaque année grâce à ce dispositif.

En conclusion, ces approximations et ces contradictions engagent donc d’autant plus les industries obligées et bénéficiaires à mettre en place une stratégie beaucoup plus globale autour des enjeux de la transition énergétique et écologique.

Les green tech pour un usage des technologies et du nucléaire plus raisonné ?

Au mois de Février 2021, les Français ont une image des outils numériques comme ayant de bons impacts sur le climat notamment car ils permettent de réduire concrètement les déplacements et favorisent le télétravail… Mais ne l’oublions pas :  l’emprunte carbone du digital est énorme ! 1 mail avec une pièce jointe de 1MO c’est entre 10 et 50g de CO2. Sachant qu’un 1Km parcouru en voiture émet 150g de CO2, 20 mails par jour représente alors l’équivalent d’un SUV qui roule à 5Km / heure en moyenne…. Les grands Datacenters dans lesquels nos données sont stockées ont une consommation industrielle également tres forte pour alimenter, refroidir et maintenir, hors à nouveau, des solutions existent pour en baisser la consommation et les valoriser au titre des CEE.  

Quand on parle de « green tech », on sort généralement le nucléaire de la liste. Seuls 43% des Français voudraient que la France investisse en R&D dans ce secteur. Or, si la France a réussi à réduire son impact énergétique ces dernières décennies, c’est parce qu’elle a 80% de son énergie fournie par le nucléaire… Aucune technologie alternative ne permet un rendement aussi important que la fission nucléaire (a fortiori la fusion).

La R&D pour rendre la technologie nucléaire plus sécurisée et plus propre devrait être un axe de premier plan, mais souvent « taboue » en raison de lobbys écologiques. Pour rappel, la sortie du nucléaire allemand a eu pour conséquence la réouverture de centrales à charbon. Est-ce ce que l’on veut ?

Quid du buzz autour des énergies propres : mythe ou réalité ?

Concernant l’hydrogène : attention à ne pas aller trop vite sur le sujet, il n’est pas nouveau : il est utilisé depuis le 19ème siècle pour l’éclairage et le chauffage des villes (il a été remplacé par le gaz naturel dans les années 60), c’est un gaz dont la production et l’utilisation sont fréquents chez les industriels. Le problème c’est qu’aujourd’hui, l’hydrogène n’est pas une énergie propre ! 95% de l’hydrogène est issu de la transformation d’énergies fossiles.

C’est donc le développement de l’hydrogène « vert »  (produit par électrolyse via des éoliennes/panneaux solaires) ou « bas carbone » (produit par électrolyse avec de l’électricité nucléaire, ou par voie fossile avec captage du CO2) qui est un vrai enjeu, et permettra de décarboner nos consommations d’énergie.

Si l’on peut se féliciter du montant important de l’enveloppe française allouée au développement de l’hydrogène vert/bas carbone (7Mds d’€ d’ici à 2030), celle-ci reste néanmoins inférieure à celle de l’Allemagne (9Mds d’€), de l’Espagne (9 Mds d’€), ou du Japon (15 Mds d’€).

Concernant les Biomasse : il y a des progrès : la part des énergies renouvelables dans les réseaux de chaleur a en effet été portée de 30% en 2009 à 60% en 2019. C’est grâce au Fonds Chaleur de l’ADEME, qui a investi 900M€ en 10 ans pour le verdissement des réseaux de chaleur. Cependant, la vitesse de développement des réseaux de chaleur est encore trop faible (+10% en 10ans) : elle est 2 fois inférieure à ce qu’elle devrait être pour répondre aux engagements climatiques de la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV).

A titre de comparaison : la Suède a fait bien mieux que nous par exemple, et bien avant, grâce à des investissements massifs dans le secteur : en 30 ans, la Suède a multiplié par 4 ses réseaux de chaleur, tout en les décarbonant. Résultat : les suédois ont aujourd’hui une production d’énergie par les réseaux de chaleur plus de 2 fois supérieur à la France, étant par ailleurs largement décarbonés (80%)

Enfin, concernant les véhicules électriques, malgré les enjeux climatiques, les aides publiques au financement des véhicules électriques baissent inexorablement : La prime de 7000 euros maximum pour l’achat d’un véhicule électrique est passée à 6000 euros en 2021, puis à 5000 euros en 2022. Idem pour la prime pour l’achat d’un véhicule hybride rechargeable, qui a été divisée par deux au 1er janvier 2021, passant de 2000 euros maximum à 1000 euros.

Bref, une volonté politique forte, des acteurs engagés et un accompagnement d’experts sont nécessaires pour parvenir à aligner objectifs climatiques et croissance durable.

Auteur

Matthieu LOCCI

Senior Manager Energie et Développement Durable

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